Le produit n’est rien

Je lisais récemment un article sur les proverbes d’entrepreneurs, sur O’Reilly Radar, un blog de veille technologique. Un paragraphe a retenu en particulier mon attention :

Pour les investisseurs, le produit n’est rien.

La présentation habituelle des ingénieurs et techniciens lors d’un tour de table financier comporte dix diapos au sujet du produit et deux sur le parcours universitaire des fondateurs. C’est un discours lamentable. Une seule diapo devrait être consacrée au produit, tandis que le reste couvre le marché, les concurrents, la comptabilité, l’historique des financements et l’expérience de l’équipe dans ces domaines. Souciez-vous du produit sur votre propre temps présentez votre entreprise dans tous ses aspects.

En gros, les investisseurs ne s’intéressent pas tant aux produits d’une société dans laquelle ils investissent, mais au marché qu’elle tente de conquérir.

Jusque-là, je m’étonnais toujours comment des sociétés d’investissement pouvaient investir des millions dans des sociétés totalement inconnues ayant des produits facilement reproductibles.

Tenez, ScanR lève 4,65 millions de dollars (2006). ScanR édite un service permettant de scanner et envoyer des photographies par fax. Les documents peuvent aussi être convertis en fichiers PDF accompagnés des mots-clés apparaissant dans le document afin de faciliter la recherche automatisée de données. Le tout fonctionne par Internet, via un simple e-mail, et permet donc d’envoyer par fax des documents depuis un simple téléphone portable ! Mais — erreur de technicien ! — je m’égare dans la description du produit.

Le marché de ScanR peut alors se définir comme étant l’envoi de documents par fax à l’aide d’un téléphone portable. Et vu sous cet angle, je comprends que l’entreprise prenne de la valeur. En effet, le marché du fax est énorme, celui du fax par téléphone portable tout juste naissant. Il peut donc être intéressant de mettre un pied dedans pour y réserver sa place, surtout si un brevet (genre un truc évident du style « envoyer un fax par téléphone cellulaire ») devait ralentir la concurrence ! Imaginez que vous ayez la possibilité d’avoir une part du gateau d’un marché naissant, celui des fax. Tentant, non ?

Il est sans doute vrai que si Google se réduisait au simple moteur de recherche, ce marché étant concurrentiel et volatile, son intérêt serait sans doute plus limité que l’ensemble des marchés relatifs à l’organisation mondiale de l’information, ce qui multiplie par un très gros chiffre la capacité de la société à croître, tellement les applications sont nombreuses.

Désormais, je regarderai les opérations d’investissement et de rachat sous un autre angle…

3 réflexions sur « Le produit n’est rien »

  1. PhilippePhilippe

    Dirigé par Google vers votre site je tenais à vous féliciter pour la qualité rédactionnelle de vos billets et la pertinence de leur propos. Ayant "chassé" moi-même de l'investisseur (des VC en Europe et en Amérique du Nord) je ne peux que plussoyer. De toutes les manières ils ne comprennent rien aux technos et ils n'ont pas envie de comprendre ni s'embarrasser d'un vocabulaire qu'ils ne maîtrisent pas. À quoi ça sert est leur 1ère question. Quelle est votre USP, la seconde. Après viennent les due diligences et leur cohorte d'experts technologiques qui vont valider (ou non) le produit du point de vue technique. Toutes mes félicitations encore. Cordialement, Philippe

  2. MartinMartin Auteur de l’article

    Cela montre bien que l'on doit adapter son discours à son interlocuteur, d'où l'importance de cerner ses centres d'intérêt.

    Le client classique d'une entreprise s'intéresse avant tout au produit qu'elle propose. Il a certains besoins à satisfaire et cherche les produits qui pourront les combler. Il est par conséquent logique qu'un client recherche des produits avant toute chose, l'intérêt pour l'entreprise n'existe alors que pour s'assurer du sérieux des produits.

    En revanche, l'investisseur n'achète pas les produits de l'entreprise. Il achète (une part de) l'entreprise. C'est donc l'entreprise, et non ses produits, qu'il faut lui présenter. Sachant qu'un investisseur ne maîtrise pas les subtilités techniques, outre les termes financiers et parfois de marketing, il faut alors lui présenter l'entreprise comme un investissement financier, le discours consacré aux produits et — surtout — à leur commercialisation ne servant alors qu'à convaincre de la viabilité de l'entreprise.

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