Parachutes dorées et rémunération des dirigeants : de quoi le gouvernement se mêle-t-il donc ?

Le gouvernement menace d’apporter des « solutions » aux parachutes dorés des dirigeants des entreprises. Or, pour apporter des solutions, encore faut-il qu’il y ait un problème.

Pourquoi des parachutes dorés ?

Car rappelons que les fameux parachutes en or sont des indemnités de départ versées par l’entreprise à son P-DG limogé. En effet, contrairement aux salariés, les dirigeants d’entreprises n’ont pas de contrat de travail régis par le droit du travail et autres conventions collectives, avec tout ce que cela implique comme contraintes (cotisations) et avantages (congés), mais des contrats spécifiques, négociés entre les chefs d’entreprises et les associés ou actionnaires.

Les chefs d’entreprises, qui quittent bien souvent une direction d’entreprise au profit d’une autre, négocient, par des clauses spécifiques, des indemnités de départ avant même d’entrer en fonction, à défaut de quoi, le jour de leur départ, ils ne percevront rien, et en tant que chefs d’entreprises, ne toucheront pas d’indemnités de chômage.

Le siège éjectable des patrons

Voici quelques mois, un ami m’annonce que son P-DG avait été limogé la veille. Il avait rendez-vous avec lui à la première heure, mais le comité de direction s’était réuni la veille au soir en réunion extraordinaire, en omettant d’y convier le le P-DG, afin d’annoncer son remplacement par un autre. L’ancien P-DG a ainsi été prévenu de son renvoi vers minuit. Même pas le temps de rencontrer ses collaborateurs pour leur annoncer son départ.

Sa faute ? Aucune ! Depuis deux ans, il redressait la situation de cette entreprise planétaire particulièrement déficitaire et il s’en sortait plutôt bien, sans que l’entreprise dégage pour autant des bénéfices. Il pensait rester encore plusieurs années à son poste et rassurait toutes les semaines ses équipes que la direction ne changerait pas, comme ce fut la coutume les années précédentes.

Seulement, sans le lui dire, le conseil d’administration l’avait embauché deux ans plus tôt en attendant de trouver mieux, tout en lui assurant son soutien complet, à vrai dire. Or, il aura fallu deux ans à ce conseil d’administration pour trouver un profil qui semblait plus intéressant. Le conseil d’administration avait même embauché en douce un responsable du recrutement de ce nouveau P-DG à temps plein pour trouver ce fameux profil extraordinaire qu’il a cherché partout sur la planète, deux ans durant, avant de le trouver.

Pourquoi diable légiférer ?

Alors qu’on ne me dise pas que le gouvernement va légiférer pour encadrer les salaires de quelques centaines de personnes en France, une population de chefs d’entreprises mondiales qui n’ont en France qu’une petite partie des opérations et qui pourraient par conséquent délocaliser leur siège social ailleurs.

Juger la qualité du travail d’un chef d’entreprise à sa seule capacité à augmenter le chiffre d’affaires, distribuer des bénéfices ou augmenter les salaires de ses collaborateurs me paraît tout à fait incohérent avec la complexité d’une entreprise et de la pluralité des situations, toutes spécifiques. Les actionnaires, représentés par un conseil d’administration, me paraissent beaucoup plus à mêmes de négocier les conditions de rémunération avec les dirigeants qu’ils embauchent que ne peut l’être un quelconque gouvernement !

Pourquoi cette jalousie sociale ?

Quant à tous ces miséreux qui ne gagnent que le SMIC, voire même pas, s’ils travaillent à temps partiel, dans un pays comme la France où chacun naît l’égal de l’autre et le reste, notamment tout au long de sa scolarité, gratuite, pourquoi diable n’ont-ils pas choisi une carrière de chef d’entreprise internationale ? Si de nombreux grands patrons sortent de grandes écoles, dont la plupart élitistes et payantes, ou profitent d’un héritage familial préexistant à leur ascension, bon nombre d’entre eux sont autodidactes et sont arrivés là où ils sont par la force du travail et des risques bien évalués ! Si égalité des chances il y a — or, tout est fait pour –, il faut l’assumer autant quand on est dans une situation de réussite qu’en situation d’échec !

Et si le Ministre du Travail commençait d’abord par balayer devant sa porte ? Par exemple, en décrétant que chaque ministre en fin de mandat doit rembourser l’ensemble des déficits cumulés de son ministère ?

Enfin, je tiens à préciser que si je suis chef d’entreprise, en cette période de déclarations de revenus aux services fiscaux, mes revenus 2007 sont très inférieurs au SMIC annuel. Mais au moins, je l’assume !

5 réflexions sur « Parachutes dorées et rémunération des dirigeants : de quoi le gouvernement se mêle-t-il donc ? »

  1. MartinMartin Auteur de l’article

    Dans ma précédente société, je n’étais pas rémunéré comme gérant, mais comme salarié, et même comme salarié, mes indemnités de licenciement (je me suis moi-même licencié lorsque cela s’était avéré nécessaire) de salarié légales n’avaient été payées qu’à auteur de moitié (la trésorerie et la loi permettait pourtant leur règlement en entier). Comme gérant, je n’avais pas été rémunéré les deux années suivantes.

    Dans ma société actuelle, je suis indemnisé pour ma gérance à hauteur de la moitié, environ, de ce que je touchais précédemment en tant que salarié, et je n’ai aucun parachute, doré ou pas. Ceci étant, étant gérant majoritaire, je n’ai pas à craindre un renvoi surprise, et si je devais devenir gérant minoritaire, en fonction de la situation économique de l’entreprise, je négocierais sans doute une indemnité de départ.

    Me démarche personnelle de chef d’entreprise implique que l’entreprise se doit d’être rentable dès le premier mois et doit arriver à le rester tout au long de son activité. Ce n’est certainement pas la plus rapide façon de monter en puissance, car cela implique d’accepter parfois des projets alimentaires qui ne correspondent pas à son projet principal. Cependant, c’est la manière qui correspond à ma manière de voir une économie saine et rationnelle, même si je comprends tout à fait qu’il puisse y avoir d’autres modèles.

    On a tendance à oublier que la plupart des chefs d’entreprises gagnent peu, voire très peu. En cas de mauvaise passe, quelle qu’en soit la cause, ce sont aussi les chefs d’entreprise qui, bien souvent, baissent leurs revenus en premier, afin de préserver leur entreprise qu’ils considèrent comme leur bébé.

    Néanmoins, dans le cadre de grandes entreprises où les P-DG ou les hauts dirigeants sont recrutés pour des missions parfois limitées dans le temps et parfois même à leur insu, il ne me semble pas anormal qu’ils négocient des conditions de départ particulières, y compris lorsque l’entreprise ne génère pas de bénéfices ou qu’elle se sépare de certains collaborateurs.

    Je note en effet que la direction d’une entreprise a une influence sur l’ensemble de ses collaborateurs, partenaires, fournisseurs et clients et que si les actionnaires d’une entreprise sont d’accord pour accepter des sommes importantes en cas de départ malgré des résultats qui peuvent avoir l’air désastreux, je ne vois pas pourquoi le gouvernement devait légiférer.

    Et quitte à légiférer pour limiter les indemnités de départ, pourquoi ne pas légiférer sur le salaire minimum des chefs d’entreprise. Comment verrais-tu, Guillaume, l’instauration d’un salaire minimum pour le chef d’entreprise ? Serais-tu ravi ou au contraire déçu ?

  2. nicolasnicolas

    Bonjour Martin,

    La législation concerne les hautes dirigeants des grandes sociétés cotées. Elle vise à corriger les abus manifestes. Par là, il faut comprendre une rémunération élevée qui n’est pas le fruit d’un travail conséquent ou risqué. Par là, il faut aussi comprendre une rémunération qui ne relève pas nécessairement d’une logique d’efficacité lorsque le conseil d’administration est entaché d’une certaine consanguinité entre ses membres.
    L’intervention étatique est justifié lorsque la main invisible ne fonctionne pas correctement, que ce soit sur le plan de l’efficacité économique ou sur le plan de l’équité.

    Nicolas.

  3. MartinMartin Auteur de l’article

    @nicolas : Dans ce cas, il ne faut pas s’attaquer à la rémunération des dirigeants, que l’entreprise soit côtée ou non, mais à la composition du conseil d’administration, lui-même composé par les actionnaires qui, en principe, savent par eux-mêmes opter pour leurs propres intérêts…

  4. nicolasnicolas

    Le problème n’est pas évité en laissant le pouvoir au conseil d’administration pour deux raisons ce qui rend l’intervention étatique pour les parachutes dorés indispensable :
    – comme je le précise plus haut, les grandes sociétés cotées françaises ont des conseils d’administration entachés d’une certaine consanguinité. La lecture naive d’un conseil d’administration composée dadministrateur indépendant doit être révisée à la lumière de cet état de fait.
    – Quand bien même les administrateurs seraient réellement indépendants, les parachutes dorés sont devenus une pratique courante dans les négociations des contrats de rémunération des dirigeants avant même qu’ils agissent pour leur société. En d’autres termes, si le contrat de rémunération ne prévoit pas un parachute doré pour son PDG, il est peu probable qu’il accepte le mandat qui lui est confié et optera pour une offre concurrente.
    En conséquence, la question du bienfondé des parachutes dorés n’est pas évacuée : Est il normal qu’un dirigeant dont la gestion s’est révélée décevante (au moins relativement par rapport à ses concurrents directs) touche une prime de départ dont le montant peut atteindre jusqu’à deux années de salaires (cf. Le cas récent Alcatel)? Puisque le CA d’une seule entreprise n’a pas la possibilité unilatéralement de supprimer cette indemnité de départ, n’est il pas légitime que l’Etat intervienne ?

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