Il y a quelques années, je dirigeais une équipe très atypique, car comportant un fort contraste de compétences et d’expériences entre les individus qui la composaient. De ce fait, très rapidement, un élément en particulier s’en était nettement détaché au point que toute interrogation concernant le projet, même dans un domaine qui n’avait aucun rapport avec son champ de compétences, lui était soumise dans l’espoir d’une solution ou, à défaut, d’une idée. Cette personne ayant une tendance naturelle à aider tous ceux qui en formulaient la demande, sa productivité allait montrer des signes de fatigue.
Dans un premier temps, j’avais alors demandé à mon collaborateur de comptabiliser chacune des sollicitations dont il faisait l’objet sur une feuille de papier. Un outil fort simple : une feuille blanche et un crayon, un bâton inscrit à chaque interpellation de la part de ses collègues ; en fin de journée, il me remettait la feuille plus ou moins remplie de bâtons.
Très rapidement, il était apparu qu’il était sollicité de l’ordre de 40 fois au cours d’une journée, soit une fois toutes les 12 minutes. On peut alors comprendre que sa productivité ait quelque peu baissé. Un autre de mes collaborateurs m’avait indiqué que lui-même avait besoin de 30 minutes de concentration pour commencer à retrouver un bon rythme de travail.
Fort de ces observations, j’ai alors demandé à chacun des interlocuteurs habituels de mon collaborateur de venir me voir en priorité, avant de voir un membre de mon équipe avec lequel il ne collaborait pas déjà au sein d’un groupe de travail préétabli formellement. J’ai en effet tendance à croire que le responsable d’une équipe doit prendre à sa charge la communication de l’équipe avec l’extérieur en vue de la faciliter, et s’il y a une personne qui peut (et doit ?) être « dérangée » en permanence, c’est bien le cadre qui organise le travail de l’équipe, et non ses collaborateurs qui réalisent ce même travail.
Toujours est-il que la quantité de sollicitations de mon (brillant) collaborateur a pu être divisée par deux en quelques jours à peine, lui permettant de mieux se consacrer à ses tâches habituelles au lieu de résoudre des problèmes non planifiés et sans rapport avec ses affectations. Les autres sollicitation n’ont pas disparues pour autant, mais celles-ci passant toutes par moi-même, j’ai pu diriger, pour moitié environ, mes interlocuteurs vers les spécialistes adéquats sans parasitage inutile de leurs collègues, ou encore, pour l’autre moitié, de temporiser leurs sollicitations lorsqu’elles ne cadraient pas avec le planning en cours de mon équipe et dont j’avais la charge.
En plus de faire gagner du temps à l’ensemble de mon équipe et de mes collaborateurs, cette approche m’avait permis de mieux suivre l’évolution des besoins tiers à mon équipe et ainsi mieux organiser le travail.