Google est-il un outil de journalisme viable ?

Je regardais l’autre soir le reportage Le monde selon Monsanto, diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte. Le film était un plaidoyer à charge contre Monsanto, le principal acteur du marché des produits agro-alimentaires transgéniques. L’originalité de ce film par rapport à d’autres est le fil conducteur, essentiellement basé sur les pages de résultats de Google.

Par exemple, pour démontrer que Monsanto falsifiait ses études, la journaliste tape une requête sur le moteur de recherche Google de type « Monsanto falsifie ses études » et comptabilise quelque 150.000 pages de résultats pour en déduire qu’effectivement, Monsanto falsifiait ses études, images des résumés des pages de résultats de Google à l’appui. CQFD.

Autre cas intéressant : elle trouve le nom d’un juriste ayant travaillé dans un cabinet d’avocats spécialisé dans la génétique et les brevets, notamment. Le personnage a travaillé dans diverses sociétés et administrations sur cette thématique, dont ledit cabinet d’avocats, dont l’un des clients était Monsanto, mais aussi la Food and Drug Administration (FDA). Là encore, la journaliste recherche son nom sur Google et n’y trouve qu’une seule photo de l’individu, issue d’une vidéo publiée en ligne. De là, elle déduit un roman d’espionnage hallucinant. Tout naturellement, elle laisse entendre que l’individu est un espion double à la solde de Monsanto placé à la tête du comité de déréglementation de l’approbation des produits agro-alimentaires transgéniques de la FDA. CQFD.

Certes, la journaliste ne s’arrête pas à Google. Par exemple, elle s’entretien avec un ancien responsable d’une équipe de recherche écossaise ayant démontré que l’un des gènes de perce-neige transplanté par Monsanto dans une pomme de terre n’était pas néfaste pour la santé, et que la pomme de terre transgénique ne présentait pas non plus de danger. Cependant, l’équipe avait aussi démontré qu’il y avait tout de même des différences d’assimilation sur les rats nourris aux deux produits, et que même si ces différences n’étaient pas dangereuses ou néfastes en tant que telles, cela montrait bien que la technique de transplantation génétique induisait ces différences et par conséquent qu’elle était défaillante et que le principe d’équivalence ne pouvait être appliqué à ce cas.

Le problème était que l’équipe s’était fait dissoudre, et son responsable limogé. Et c’est là que le travail de la journaliste devient intéressant : un ami du scientifique limogé vient à sa rescousse. Il affirme que des années après les faits, il avait enfin compris le pourquoi de la chose. Lors d’un dîner dansant (je n’invente rien), l’une de ses vagues connaissances lui aurait confié que son ami avait été congédié suite au coup de fil du Premier ministre britannique. De là, la journaliste explique que le Premier ministre britannique aurait agi sous la pression du gouvernement américain, lui même agissant sous la pression du lobby mis en place par Monsanto qui a infiltré les plus hautes sphères du pouvoir, George Bush Sr. y compris. CQFD.

La journaliste interroge aussi des agriculteurs ayant illégalement contrefait les semences fournies par Monsanto à leur profit. Monsanto affiche en effet sur son site web (trouvé via Google) que ses semences, issues de longues années de recherche scientifique, sont protégées par les lois sur les brevets et la propriété intellectuelle, et que par conséquent, par contrat, les agriculteurs achetant les semences Monsanto n’avaient pas le droit de conserver leurs récoltes pour en faire de nouvelles semences par la suite, devant de nouveau passer par Monsanto pour se fournir en semences transgéniques. Monsanto affirme qu’en cas de contrefaçon constatée, la société tenterait de trouver une solution à l’amiable dans l’intérêt de l’agriculteur et de Monsanto. Logique, car un mauvais arrangement vaut souvent mieux qu’un bon procès. Les créateurs de nouvelles variétés de roses français procèdent de la même manière avec des contrefacteurs sud-américains ou asiatiques qui achètent des licences pour cent mille plantes et en plantent dix millions.

La journaliste rencontre donc les agriculteurs qui nient tout en bloc, tout d’abord, puis avouent qu’ils avaient effectivement contrefait les semences brevetées de Monsanto, les ayant fait multiplier via un prestataire spécialisé. Monsanto ayant analysé les champs de l’agriculteur et constaté la contrefaçon de manière scientifique, la société menaçait l’agriculteur voyou de poursuites qui finit par accepter l’arrangement à l’amiable proposé par Monsanto pour éviter le procès et les peines qui découleraient de sa condamnation. Allez savoir comment, la journaliste arrive à transformer la victime de contrefaçon, Monsanto, en Antéchrist, et l’agriculteur contrefacteur en la Vierge Marie. Logique. CQFD.

Bref, un reportage cousu de fil blanc dont l’unique intérêt était de convaincre les masses crédules de la conspiration à l’échelle mondiale menée depuis des décennies par Monsanto qui aurait réussi à infiltrer les plus hautes sphères du pouvoir un peu partout sur la planète, tirant les ficelles à son avantage et détruisant tout individu ou entreprise se présentant sur son chemin. Purée ! Majestic 12, c’est Monsanto. Et comme par hasard, les deux commencent par un « M » ! CQFD.

Mulder (non, ce n’est pas le nom d’un fromage à base de lait issu de vaches transgéniques), encore un « M », où es-tu ?! Décidément, Dan Brown n’aurait pas fait mieux…

19 réflexions sur « Google est-il un outil de journalisme viable ? »

  1. RegisterRegister

    Moi je viens de lire un article d’un blog ou le gars part de l’utilisation de google à des fin journalistique, pour dériver sur des considération sur les dire de personnes, puis pour mettre en doute les arguments de la journaliste et pour finir pour laissé entendre que Monsanto est blanc comme neige….

    Il faudrait faire un billet « Les bloggers peuvent ils se prendre pour des journalistes? »

    Les « revolving doors » entre les grandes entreprises américaines et le gouvernements américain n’existent pas. Les nombreux procès contre Monsanto sont bien sur intentés par des rigolos . Le brevetage du vivant ne pose aucun problème. Quand au OGM ils sont là uniquement pour sauver le tiers monde de la famine…
    Enron a du chuter par erreur, ils n’ont jamais triché (à part dans l’esprit ténébreux de journalistes grincheux). Monsanto et son égémonisme sur les semences c’est que pour le bien de l’humanité…. Mouaif.

    Ceci dit le fil conducteur du docu autour de google est pas terrible, il ralenti le rythme et laisse penser qu’il suffit de faire des recherches sur internet pour avoir le prix pulizer (la journaliste c’est déplacé dans le monde entier et a interviewer un grand nombre de personnes).

  2. MartinMartin Auteur de l’article

    En effet, Julien, si le cas suscité traite de Monsanto, sujet très polémique dont il est de bon ton, dans les médias européens, de dire du mal, c’est davantage le cheminement intellectuel douteux que je dénonce ici, d’autant que celui-ci semble exploiter comme outil principal une source unique d’informations manifestement peu vérifiées. Bref, j’ai comme l’impression que le Net et Google empêchent certains d’appliquer des méthodes d’investigation que toute école de journalisme se doit d’enseigner, parmi lesquelles la vérification des sources, la confrontation des points de vue, ou encore, comme tu le notes, enquêter d’abord pour conclure ensuite ce qui, manifestement dans le cas de ce reportage, n’a pas été le cas.

  3. JulienJulien

    Le probleme ne se « limite » pas a Monsanto.. mais je pense bien qu journalisme qui vit une double crise : financiere d’un cote (concurrence des média gratuits, internet en tete), et « ethique » : l’omniprésence de l’information oblige les journalistes a inverser l’objectif de leur metier et les moyens. (on cite regulierement qu’une seule edition du NYT contient plus d’infos que ce qu’un « paysan » moyen du XIXs recevait dans toute sa vie!

    Normalement, cela devrait être en faisant une enquête que le journaliste arrive a une conclusion… pas l’inverse (choisir une conclusion -qui fera vendre!-, puis faire l’enquête pour « confirmer »)

  4. MartinMartin Auteur de l’article

    Register, comme tu le notes si bien, je ne suis pas journaliste, et je n’ai aucune prétention dans ce sens.

    Quant à la journaliste et ses méthodes, j’aurais trouvé intéressant qu’elle interroge aussi les anciens employeurs quant aux raisons du départ de leurs anciens employés, au lieu d’en déduire la thèse d’une conspiration internationale sur la base de ouï-dires…

  5. Ping : Le blogueur est-il un journaliste ?

  6. anton suwalkianton suwalki

    bonjour,
    je viens de découvrir votre commentaire intéressant sur le film de MM Robin et je compte y faire référence lien sur mon blog, qui rend largement compte du « Monde selon Monsanto » .
    Cordialement !

  7. ahahahahahah

    ….mais toi c’est sûr t’as une araignée au plafond!!!!! Et pour ta gouverne semEnces et pas semAnces et puis perCe-neige et pas perSe-neige

    ah et aussi tu écris: « Certes, la journaliste ne s’arrête pas à Google. Par exemple, elle s’entretien avec un ancien responsable d’une équipe de recherche écossaise » VRAI « ayant démontré que l’un des gènes de perse-neige transplanté par Monsanto dans une pomme de terre n’était pas néfaste pour la santé, et que la pomme de terre transgénique ne présentait pas non plus de danger » t’as tout FAUX. Il a démontré que la Lectine directement extraite du perce-neige n’as pas d’effet sur le rat. Mais que les pommes de terres transgéniques rendues ainsi capables de produire cette même lectine provoquent des changement physiologiques chez les rats. OR comme la lectine toute seule n’induit aucun effet sur le rat ALORS c’est l’insertion du gène dans le génome de la pomme de terre qui pose un problème car cette insertion doit certainement induire d’autres modifications ou interactions avec d’autres gènes ce qui peut entraîner des modification de la pomme de terre en elle-même.

  8. ahahahahahah

    c’est bizare j’ai pas de réponse …….. cela confirme ce que je pensais : vous êtes tous limités intellectuellement les chéris.
    @+

  9. DePassageDePassage

    Bonjour
    Félicitations pour votre analyse courageuse.
    Le reportage m’avait d’abord scandalisé par son parti pris, puis amusé par son manichéisme outrancier et paranoïde (les anomalies génétiques et les chtis nenfants malades). Quand on pense que cette femme a eu le prix Albert Londres ! (encore que, dans un monde qui a donné le prix Nobel de la paix à Arafat…)
    J’ai voulu intervenir ensuite sur le chat d’Arte en direct, sans succès.
    Voyez ici la retranscription intégrale pour vous faire une idée du « pluralisme » version Arte :
    http://www.arte.tv/fr/1963964.html

    A bientôt

  10. DePassageDePassage

    Un post complémentaire pour dénoncer les manipulations des altermondialistes, qui accusent « l’ennemi » de leurs propres turpitudes :

    * D’une part tapez simplement « Monsanto » dans Google et vous jugerez de quel côté penche vigoureusement le lobby médiatique

    * D’autre part, voici la copie intégrale d’un mail de propagande que j’avais reçu avant l’émission :

    [contenu censuré par le webmaster]

    Quand on pense que [l’auteur de l’email censuré ci-dessus], auteure de ce matraque est professeur de lettres dans un lycée public, on a froid dans le dos.

    A bientôt

  11. MartinMartin Auteur de l’article

    @DePassage : J’ai volontairement censuré le corps de l’email copié-collé et masqué le nom de la personne que vous affirmez être son auteur. En effet, ce blog n’a pas vocation à publier des correspondances privées.

  12. DePassageDePassage

    @Webmaster Martin

    Ok pas de problème, vous avez bien fait, je comprends.
    Et vous avez raison, vu le nombre de malfaisants activistes prêts à tout « pour la bonne cause ».
    Et même, vous avez raison tout court.
    A+

  13. pierrepierre

    De toute facon, suite a vos critiques, je note et remarque qu’une seule chose, ceux qui disent la vérité qui blesse sont mis souvent à l’écart.

    Monsanto est une entreprise qui n’a qu’un seul but controller la base de la nourriture, et devenir dans les prochaines décénies le leader des bio carburants.
    Breveter tout etre vivant est un abbération, il veulent même bientôt breveter le porc, et dans un siecle il vont breveter les êtres humains ??? ! et on aura plus le droit de se reproduire ???

    Bienvenue dans le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley

    Ces OGM, sont possiblement dangereux pour la santé, mais aucune règlementation sérieuse a été faite; ils contaminent les autres espèce pure, et se répandent comme un virus de facon naturelle grâce au vent et autres insectes. De quel droit un agriculteur n’a pas le droit de réutiliser une partie de sa récolte pour sa semence ? c’est le process normal de la vie sur terre

    Bientôt le monde entier sera a la merci de monsanto, et les politiques seront leur esclaves. Monsanto va devenir le leader de votre assiette. Ca ne sert a rien de dénigrer le reportage, même s’il y a des approximations, le visage de monsanto est révélé. Il veulent devenir ce que microsoft a réussi avec les ordinateur, un leader mondial des organismes biologiques

  14. MartinMartin Auteur de l’article

    @pierre : Quelle horreur qu’une entreprise qui protège les fruits de ses recherches par des brevets. C’est d’un malsain ! Vous avez raison de noter que c’est au moins aussi malsain que des entreprises informatiques qui protègent leurs logiciels avec les lois sur la protection du droit d’auteur. Beurk, cela me dégoûte totalement que des gens puissent être payés pour leurs efforts. Qu’on les envoie en prison tout de suite. D’ailleurs, le progrès, c’est mal. Tuons la recherche, tiens. C’est ça, la vraie solution. Tous les scientifiques au goulag ! Vivent les khmer rouges et leur politique d’extermination des intellectuels de tous bords !

    Cela fait des dizaines d’années que les gens mangent du maïs transgénique et aucune étude sérieuse ne démontre la dangerosité de ce produit. Mais en France, on privilégie l’obscurantisme. Mais ce n’est pas spécifique à la France. Cela concerne toute l’Europe, qui refuse d’accepter son retard dans ce domaine, tout simplement, et cherche à éviter d’être dépendante pour son agriculture d’une puissance étrangère comme les États-Unis.

    Vous avez raison. Continuez à manger du maïs pollué par les pesticides au lieu de manger un maïs qui n’en contient pas grâce à ses nouveaux gènes le protégeant des parasites. Quelle horreur ! Du maïs sans pesticides. Cela devrait être banni de toutes les assiettes. Qu’on enferme ces irresponsables qui osent proposer de telles solutions en prison !

  15. RomainRomain

    Je me permets d’intervenir en disant qu’il est possible de faire de l’argent tout en laissant de côté la propriété intellectuelle de ses logiciels.

  16. MartinMartin Auteur de l’article

    @Romain : Certainement, il est possible de gagner de l’argent sur le service, dans ce cas-là. Néanmoins, ce n’est pas parce que certains le font que c’est ce que tout le monde doit faire et que tous ceux qui gagnent leur vie de la vente de leurs logiciels ou de la vente de leurs services sont bons ou méchants. Il s’agit de deux modèles économiques distincts, aucun n’est meilleur ou moins bon.

    Bref, tout comme je ne vois aucune raison de dénoncer Monsanto pour protéger ses inventions par des brevets industriels, je ne vois aucune raison de dénoncer Microsoft pour protéger ses inventions par des brevets logiciels (États-Unis) ou la propriété intellectuelle (Europe), indépendamment de mes propres positions partisanes dans ce domaine.

  17. tyberttybert

    Google est un merveilleux outils de recherche. On y trouve tout ce que le lobby des scientifiques nous cache…
    En cherchant 9/11 + wtc j’ai reçu toutes les informations pour me convaincre que les avions ne s’étaient jamais écrasés sur les twin towers. Merci Google
    Idem Google m’a convaincu que les antennes-relais étaient nocives pour la santé ( la prestation d’une « radiosensible  » il y a quelques minutes sur France5 montre les dégats cérébraux qu’elles peuvent entrainer..) Merci Google
    De même Google nous apprend que le vaccin contre l’hépatite entraine une Sclérose en plaques, ce que pendant 30 ans d’exercice de la Neurologie j’avais ignoré ..Merci Google

    En même temps dans l’émission  » la tête au carré » sur France-inter un physicien ( membre éminent du lobby scientiste, bien évidemment) nous révèle que dans la réforme de l’enseignement au lycée il est question de limiter sinon d’éliminer l’enseignement des sciences physiques et biologique à partir de la seconde…
    On va réussir enfin d’arréter le progrès….

  18. RomainRomain

    Une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que Google est juste un moyen de recherche, ça n’empêche pas de tomber sur des bêtises.

  19. justpourinfojustpourinfo

    à Martin :
    quand tu dis « Continuez à manger du maïs pollué par les pesticides au lieu de manger un maïs qui n’en contient pas grâce à ses nouveaux gènes le protégeant des parasites. Quelle horreur ! Du maïs sans pesticides »
    Tu crois vraiment qu’avec les OGM, il n’y aura plus de pesticides ? c’est affligeant d’être aussi naïf… pour ton info, « la nature horreur du vide » : cad qu’un OGM résistant à tel ravageur va s’avérer sensible à tel autre maladie et ainsi de suite… C’est un cercle vicieux. Désolé de te décevoir, mais temps que le système agricole mondiale ne sera pas entièrement remis en question, OGM ou pas, il y aura toujours des pesticides…

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