Steve Ballmer, le P-DG de Microsoft, estime que pour faire sa place sur Internet, il fallait impérativement dominer le marché de la recherche en ligne, d’où son intérêt de racheter surtout la technologie de recherche de Yahoo! ou son récent rachat de Powerset. Mais est-il réellement pertinent, pour un challenger, de tenter de rattraper le leader sur son propre terrain ?
Car depuis dix ans que Google existe, le domaine où la société excelle, c’est bel et bien celui de la recherche en ligne, essentiellement basée sur les liens et les mots-clés, sur lesquels s’est greffée par la suite la régie publicitaire Google AdWords, puis le programme de régie publicitaire à destination des éditeurs de sites Google AdSense. Son service de messagerie est lui aussi lié aux mots-clés repérés dans les conversations. Le tout repose sur des algorithmes visant à associer des mots-clés à chaque type de contenu et d’exploiter ces mots-clés pour piocher des publicités contextuelles achetées par les annonceurs. Mais est-ce l’unique voie à explorer ? Si la publicité télévisuelle devait être ciblée par le contenu, les coupures publicitaires seraient remplies de publicités pour couteaux de bouchers, armes à feu et autres explosifs !
Contrairement à Google, Microsoft possède une base d’utilisateurs énorme, tout comme Yahoo! et AOL, d’ailleurs. Cette base d’utilisateurs est construite autour de systèmes de messageries rassemblant plusieurs centaines de millions d’utilisateurs que Microsoft suit depuis plus de dix ans déjà. Voici une base de données comportementales des plus intéressantes qui n’a pour ainsi dire pas de prix ! Et c’est probablement dans le domaine du comportement que ces bases de données seraient les mieux exploitées, car cibler les utilisateurs avec leur sexe, leur âge et leurs centres d’intérêts, ainsi que sur leurs relations avec d’autres utilisateurs permettrait d’explorer un terrain encore vierge, du moins à l’échelle à laquelle opèrent ces géants d’Internet.
Car actuellement, il existe de très nombreux contenus qui sont très mal monétisés par des publicités contextuelles automatiques, comme les actualités (vous vous imaginez des publicités contextuelles sur le développement nucléaire en Iran ?) D’ailleurs, la plupart des sites de masse monétisent leur contenu de manière automatique et contextuelle pour monétiser les espaces publicitaires invendus, préférant gérer leurs régies publicitaires en interne et de vendre leurs espaces avec des équipes de commerciaux. Or, ces équipes coûtent très cher et ne visent finalement qu’à vendre l’audience qualifiée et la notoriété du site aux annonceurs de type grands comptes en quête de notoriété auprès d’un public répondant à un profil particulier : les cadres, les jeunes, les femmes, etc., plutôt que sur des pages comportant des ensembles de mots-clés.
Certes, Google est omniprésent sur le web. En effet, outre ses services spécifiques, les espaces publicitaires permettent de suivre les Internautes sur l’essentiel des sites Internet. Mais en connaissant les lecteurs des Internautes, Google ne les connaît que partiellement, et Microsoft, Yahoo! et AOL possèdent des informations dont Google ne peut que rêver.
En bref, j’ai l’impression que — contrairement à ce que semble croire Steve Ballmer — la recherche en ligne n’est pas indispensable au développment d’une entreprise de taille mondiale sur Internet. Aujourd’hui, Google a réussi dans ce domaine, mais tenter de reproduire cette réussite avec des années de retard ne sera pas facile, quels que soient les moyens financiers, scientifiques, techniques et marketing mis en oeuvre. En revanche, exploiter les progrès scientifiques déjà acquis par Microsoft en termes de ciblage personnel et/ou comportemental à l’échelle industrielle permettrait à Microsoft de conquérir une audience très large et d’intéresser les annonceurs qui quittent en masse, depuis 2007, les médias traditionnels au profit d’Internet. Car dans ce domaine, ce ne sont pas quelques euros ou quelques dizaines d’euros au CPM qui sont en jeu avec les traditionnelles publicités contextuelles, mais bel et bien plusieurs centaines d’euros le CPM sur les sites les plus en vogue, actuellement gérés par des êtres humains, coûteux et peu efficaces.
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